Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Selina
Derniers commentaires
12 novembre 2009

L'étalon


La porte se referme doucement.

Pas un regard en arrière.

J’ai dû vivre ça des dizaines de fois et l’impression est toujours la même. dos

Une nuit merveilleuse, entre joutes puissantes baignées de chaleur et caresses somnolentes.

Il m’a dit qu’il m’aimait.

Vite, trop vite peut-être…

Et ce regard qui fuit dans la lueur blanche du petit matin.
Je n’ai pas répondu à toutes ces promesses, juste acquiescé pour ne pas montrer d’espoir. On a remis ça, c’était fort, encore, j’en voulais encore. Mon appétit de lui grandissait à mesure que l’heure avançait jusqu’au seuil indécent où il sut qu’il était définitivement en retard pour aller bosser. Nos cris mêlés sonnèrent comme un glas, je ne sais pourquoi. Il allait s’habiller prestement, en silence… je savais qu’on ne se reverrait pas le soir, ni le suivant. Peut-être même jamais, bien qu’il prétende le contraire.

Il y a des choses que l’on sent.

Un nœud dans la gorge, rien pour évacuer. Pas envie d’aller en cours. Qui le saura au milieu d’un amphi bondé en ce début octobre ? Juste besoin de m’étourdir. Si j’allume cette saleté de chaîne hi-fi, c’est forcément l’envoûtante voix de la Callas qui va me faire fondre en larmes, elle y parvient toujours. Au cœur de mes amours décomposées, mon idéal vibre au grain de cette voix surgie semble-t-il d’un ailleurs que je n’atteindrais qu’en rêve.

C’est un fait : au terme d’une matinée sans un coup de fil, sans un signe laissé ça ou là dans la pièce pourtant exiguë, je me prends la réalité en pleine face. Ce qui m’épouvante, c’est que j’ai baissé ma garde, je l’ai laissé pousser la porte de mon cœur et il va le piétiner. Je me suis donnée pleinement , peut-être entièrement et je ne suis pas rassasiée. 

Le cœur plein et mis à nu, le corps vide, trop vide…

Avec mes amants d’un jour, ce vide se comble sans peine et avec délectation. Mon cœur est soyeusement  protégé au chaud, dans son armure.

Ce matin-là, ce n’est pas moi, je me sens vulnérable.

Le silence et quelques frissons de froid, les premiers.

Ah non ! Je ne peux pas le laisser me vampiriser de la sorte.

Quatorze heures. Je me décide enfin, j’appelle l’Autre, mon « étalon.»

Je l’appelle comme ça depuis plusieurs années déjà, certaines de mes amies ont le leur qui hérite parfois de surnoms tels que « mon homme objet », « mon plan-cul », « mon amant baiseur «  ou autre « toy-boy », c’est pas malin et c’est cynique, je l’admets… mais comme quoi, ça existe dans les deux sens !

Je l’ai connu au lycée. Le genre de type à la beauté discrète mais néanmoins animale. Pas vraiment populaire ni bourreau des cœurs. J’aurais pu fondre comme une midinette à son contact mais voilà le hic : autant de répondant et d’intérêt qu’une télévision sans câble la nuit. Absolument aucun point commun entre nous et si ce n’était que ça… Une façade en béton armé provenue on ne sait d’où qui en fait un total handicapé des relations humaines. Vous me direz, un mec comme ça, on zappe !

Et bien non. Ce fut une sorte d’accord tacite entre nous. Un échange de bons procédés.

Au moins deux mois qu’on ne s’était ni vus ni appelés mais il était là, il a toujours vécu à quelques bornes de chez moi comme de ce studio de cité U. Il a dû sentir au son de ma voix que quelque chose n’allait pas peut-être car il a pris des pincettes pour me demander : « Tu veux toujours me voir ? »

Oui, ce jour-là, c’était de lui dont j’avais besoin. Son silence ne pouvait pas être pire et au moins, avec lui, je savais à quoi m’en tenir.

Une alchimie, au sens très physique du terme… pas besoin de mots. Il jette son sac à dos dans un coin et s’approche doucement de moi sans me laisser le temps de lui proposer un verre ou de la musique. Il s’empare de mon visage entre ses deux mains très chaudes et croise un instant mon regard qui s’emplit de larmes, je le détourne. Non, ne plus penser à ce matin, je souris. « Je peux ? » murmure-t-il contre ma bouche… Que lui arrive-t-il ? Il n’est pas si prévenant d’ordinaire. Un petit soupir de ma part lui répond et ses lèvres finissent de consoler le fruit de ma bouche qui tremble tant depuis des heures. Mes seins à peine couverts d’une fine tunique de lin turquoise se collent à sa poitrine et mes mains saisissent ses fesses petites et rebondies avec aplomb pour l’attirer vers moi. Je sens le désir tendre immédiatement son sexe contre le mien tandis qu’il caresse mon dos découvert, se baisse légèrement pour s’emparer de mes deux cuisses et remonter l’étoffe qui me révèle aussi nue et dorée qu’une plage virginale.

Assoiffée d’oubli, je me noie dans son souffle brûlant, ses caresses si précises et sa tendresse. C’est le seul moment où il sait les prodiguer. Dans ma tête, des images de la nuit se superposent au présent… je les chasse d’un coup de griffe intempestif. Mon amant frémit de cette initiative peu conventionnelle et semble apprécier grandement puisqu’il m’emporte sans ménagement sur le lit.

Tranquillement, avec calme et quiétude, il finit de me débarrasser du lacet dans mon cou et je m’abandonne à sa langue exploratrice qui effleure, lèche et sonde mes reliefs et mes vallées.

La jouissance s’installe, s’amplifie, dure… nous nous voyons si peu et nos corps se connaissent pourtant par cœur. Comme dans un ballet réglé à la perfection, chaque geste s’enchaîne au soupir qui l’invite, chaque seconde s’emplit d’un parfum de stupre et de délice qui soulage peu à peu mon cœur à vif.

Le plaisir foisonne, je ne peux pas le regarder dans les yeux. Il ne me voit pas non plus… Nous sommes tous les deux concentrés sur cette source infinie qui nous abreuve et nous transporte sans écueils. D’un geste gourmand et possessif, ma bouche s’empare de sa queue frémissante. Je n’en ai jamais vu de pareille, douce et savoureuse  ! Elle se dresse d’une belle taille, arrogante de sa capacité à me faire jouir à tous les coups, à tenir sous mes assauts jusqu’au bouquet final, à tous les coups oui…

« Qu’est-ce que tu suces bien… » Voilà les seuls mots qu’il m’ait jamais offert lors de nos ébats et cette fois-ci je ris franchement au risque de casser l’ambiance.

« Pourquoi tu ris ? »

« Parce que tu dis ça à chaque fois. »

« Je le dis parce que c’est vrai. »

C’est tout lui ça, pragmatique et cru, même pas pour faire grimper la température, juste pour être franc.

Il ne dira rien d’autre et je retourne à cette activité qui m’excite tout autant sinon plus que lui. Au bord de craquer, il me soulève pour revêtir une capote. Il ne veut pas que je le fasse. Méthodique et assuré, je sais qu’il fera de même toute à l’heure lorsqu’il la fera disparaître dans une poche de son sac (même pas dans ma poubelle !) Aucune trace de nos retrouvailles renouvelées ne subsistera dans cette pièce. Pas même dans mon cœur.

D’un mouvement décidé, il se glisse sur le côté et s’enchevêtre à mes jambes pour m’offrir ce qu’il préfère, la posture de l’Etoile. Sa longue hampe me possède et glisse lentement pendant que ses mains multiples jouent de somptueux accords. J’ai peu de marge, je me laisse aller à ces douces sensations jusqu’à ce que mes spasmes s’amplifient et que je veuille reprendre le contrôle. Notre union se termine dans une chevauchée sauvage où je peux enfin me libérer de toute cette tension : je suis l’amazone échevelée et redoutable, lui le fier et fougueux étalon qui a mené la danse et enfin dompté à ma mesure.

C’est au moment où je m’effondre sur lui que le cours de nos vies reprend. Déjà.

Nous n’en parlons jamais après, à quoi bon ?

Je n’ai jamais saisi les troublants paradoxes de ce garçon et ce n’est pas faute de lui avoir tendu des perches. Tout en se rhabillant, il bavarde de tout et de rien, des potes de lycée que j’ai perdu de vue, de ses vacances d’été en Espagne, de la déco de son futur appartement, des enfants qui naissent autour de lui et de la météo… Rien de lui, rien de moi.

Il reste un long moment, jusqu’à la nuit tombée. Sa présence et même son mutisme emplissent le silence de la pièce, me font oublier le téléphone qui ne sonne pas.

Il m’a possédée, je l’ai possédé. Nos cœurs restent libres de toute attache. Je le regarde partir sans aucune amertume ni question.

Ne jamais tomber amoureuse de son étalon.


^v^

Publicité
Commentaires
L
Ce billet est saisissant de sincérité et de perspicacité.<br /> Votre âme semble néanmoins avoir été durement chahutée en ces temps difficiles...
S
@ Philachev, ton sentiment est le bon, les mots sont magiques quand même : ils peuvent ressusciter une émotion perdue depuis tant d'années ! Comme un parfum qu'on reconnaît et qui fait renaître tant d'images qu'on croyait oubliées... l'amertume, c'est un versant des relations amoureuses que je connais bien aussi. Je n'en parle que parce qu'il existe, je ne suis pas du genre à enjoliver mes souvenirs, je ne garde que le vrai.<br /> <br /> @ M. Chapeau, le sexe n'est pas toujours gai, il défoule aussi sûrement que le sport (et peut être quand même plus agréable !) En même temps, baiser sans risque de tomber amoureuse, c'est une façon de se protéger comme une autre. En tout cas, très efficace. Merci ;-)<br /> <br /> @ Ambre, c'était tout le paradoxe de ce garçon et qui m'a donné envie d'écrire sur lui comme j'avais envie de le voir lui à chaque fois. La communication sans les mots. Nos peaux se parlaient si bien... nos coeurs étaient hermétiques... aucun point commun possible sinon, pas de paroles. C'est triste ? Non, c'est étrange mais vrai.<br /> <br /> @ DS, c'est intéressant que tu me parles d'émotion graduelle alors que justement, l'épisode conte des émotions qui se délitent jusqu'à ce retour au calme, à la carapace de tous les jours. On met souvent plus de coeur qu'il ne faudrait dans nos actes. Heureusement qu'une fois les mots posés, il ne subsiste rien que les souvenirs. Je me suis délestée de pas mal de choses de cette façon. Je t'embrasse.<br /> <br /> @ Narracoeur, jamais ton nom à toi n'a si bien illustré tes mots ici... l'instant de vie partagé par les mots du coeur. Oui, nous avons ce pouvoir, pourquoi s'en priver ?<br /> Sourire<br /> <br /> @ Doigt de Miel, je n'ai plus ce "quelqu'un" aujourd'hui. Et ce qui est amusant, c'est que j'ai "grandi" aussi : je vis mes besoins d'oubli avec beaucoup plus de joie, de diversité et de richesse. Sans amertume surtout. <br /> <br /> @ Philo, le "toy boy", ce n'est pas de mon cru (mais je ne sais pas de qui, si vous savez rendre à César, dites-moi...) Avec beaucoup d'émotion, ou pas, c'est justement ça qui est insolite mais qui me ressemble : dans les moments qui semblent les plus dénués d'émotions, on ne peut qu'en engendrer de nouvelles. L'absence d'émotions peut entraîner l'aigreur, les regrets, mais aussi cette faim de l'autre tout comme l'intelligence des non-dits. Ils portent peut-être beaucoup plus qu'on ne croit en eux.<br /> Je suis certaine qu'une femme (ou un homme) vivant avec quelqu'un depuis des années et étant devenu un parfait étranger aurait un véritable livre à écrire tout de même sur son conjoint.<br /> <br /> @ 502, votre carrière de toy boy m'étonne un brin, vous semblez avoir plus de conversation que l'étalon en question.<br /> Mais ma foi, si "chaos et désolation" s'appliquent à votre version du toy boy alors je comprends mieux. <br /> Vous, un abeille butineuse ne laissant pas de trace ?<br /> Tsss ! <br /> :-)<br /> PS : si vous connaissez la marque de fabrique et de qualité de l'authentique toy boy (avec certificats de garantie et d'authenticité !) je serais peut-être curieuse que vous m'en parliez, ils sont si rares !<br /> <br /> @ Véro-Papillon, comme quoi, mon texte peut être pris avec le sourire... J'ai gardé de jolis souvenirs tu sais, même quand le coeur n'y est pas. Plus qu'avec le genre de type du début, de ceux qui font naître des espoirs et vous déçoivent (quand ils ne vous piétinent pas...)<br /> <br /> @ Animal, on peut aussi baiser avec son étalon en talons aiguilles (c'est même mieux !)<br /> Pfff ! incorrigible joueur de langue que vous êtes ! ;-)<br /> <br /> @ Succuba, dur et doux... on les aime comme ça aussi les hommes, comme nos sentiments. L'ambivalence ne quitte pas mes textes comme tu vois.<br /> Sourire<br /> <br /> @ Philachev, je n'ai pas eu besoin du vétérinaire : mon bourreau personnel sait très bien où et comment me faire une piqûre de rappel là où ça fait mal pour titiller ma colère et mon amertume, pas le meilleur de moi en fait.<br /> Faut s'en prendre à lui si je ne reviens pas avec le sourire.<br /> Mais je ne fermerai plus ma gueule en tout cas, ça non !<br /> <br /> @ Elise, Ce que tu dis est très finement analysé et beaucoup de vérités m'assomment aujourd'hui en voyant cela sous cet éclairage (et avec l'expérience des années... je parle comme une vieille chèvre ! ;-))<br /> Seulement, je ne crois pas qu'il y ait tant de différences fondamentales entre notre approche et celle des hommes. Nous aussi nous pouvons être "l'étalon" de quelqu'un sans investir notre affect. J'en suis perduadée aujourd'hui. Tout dépend du moment, du besoin, de la personne...<br /> Nous ne sommes pas immuables. J'ai le sentiment d'être multifacettes.<br /> A 20 ans, je ne l'étais sans doute pas...<br /> Merci ma belle.<br /> <br /> @ Ile, Là je suis scotchée par tes deux phrases.<br /> C'est tout à fait ça : un souvenir introspectif.<br /> Si tu peux m'aider en deux phrases, je vais te payer plus volontiers qu'un psy avec une tête de bilboquet muet montée sur ressort !<br /> Je ne suis plus cette femme-là, c'est vrai. C'est étrange de se replonger dans quelque chose qu'on vivrait forcément différemment aujourd'hui.<br /> <br /> Bises :-)
I
Celle qui écrit n'est plus celle qui l'a vécu. A la distance d'avec cet amant qui ne te prend pas toute entière s'ajoute peut-être la distance d'avec cette femme qui ne se donnait pas toute entière. Le toy boy mental comme souvenir introspectif ?<br /> <br /> Baisers
E
Selina<br /> <br /> Ce texte en demi teintes laisse effectivement sur une sensation d'inachevé : beaucoup d'érotisme, de sensations fortes en en même temps comme des scories d'un certain vague à l'âme terriblement féminin... Comme lorsque nous accueillons la virilité en nous nous livrions aussi passage à cette autre dimension qui relie le corps à l'affect.<br /> Est ce dû à notre pure physiologie qui est marquée par l'intériorité ou bien la différence de fonctionnement mental -quasiment irréductible- entre l'homme et la femme? Les femmes s'investissent plus et au delà de la pure relation physique alors qu'un homme peut très bien séparer l'affect et le plaisir...<br /> Oui...un sentiment d'inachevé qui laisse un peu le coeur chagrin sans avoir même des filaments de tendresse pour faire de ces moments d'extase une douce embellie. <br /> Je peux comprendre que l'écoute de la Callas parachève cette sensation de cassure brutale entre intimité paroxystique et neutralité proche de l'indifférence...<br /> Ne jamais tomber amoureuse de son étalon .. à moins d'être de la race des Amazones...<br /> <br /> Baisers tout doux<br /> <br /> Elise <br /> E&M
P
Bon tu nous refais le coup des "tant que j'ai pas mes 20 com je dis plus rien", ou tu es vraiment malade?<br /> Parce que si t'es vraiment malade je connais un bon vétérinaire :p<br /> Allezzzzz, quoi !!!!
Selina
  • Selina court à la lune, ronronne, se prélasse, feule, caresse dans le sens du poil, sort ses griffes comme son rire carnassier et pleure aussi parfois... Un peu chatte mais jamais la chienne de personne !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Selina
Archives
Publicité